24 mars 2006

MEMORY

Aujourd'hui, Berlin l'immense rappelle à soi un de ses satellites, une petite préfecture communiste de la région parisienne, et mon enfance se réincarne. Un souvenir est rendu vivant, comme au cinéma où l'on peut recréer le décor, habiller un acteur... sauf qu'ici, c'est actuel, c'est en vrai. L'ado skin sur la photo... Avez-vous remarqué comme son copain le regarde, planté devant lui, en arrêt ? Et cet autre regard, de la fille à droite...



Pourquoi ce petit punk me bouleverse-t-il ? Parce qu’il fut la différence même ? Que le rejoindre est un inachevable cheminement ? 1983. Il s’appelle, je crois, David Falco. À Robespierre où nous ne sommes plus élèves, revenus un samedi pour une projection, il est remarquable, en short avec ses jambes de footballeur imberbe, si blanches, quelques rangs devant moi. Il s’est rasé la tête, il allume une cigarette à la sortie, gravite au-dessus d’une petite bande… J'ai treize ans, lui aussi.

Quelques années plus tard sa misère, sa marginalité, la séduction d’un corps hors norme exposé avec arrogance, la chemise détachée, tachée et flottante... Il me parait très grand alors, comme un demi-dieu perdu parmi les hommes. J’étais tombé sur lui rue de l’Étoile, un soir de juin, mes parents absents. J’avais écouté ses plaintes d’ivrogne, soutenu un moment son chancèlement. J’avais reconnu mon désir de lui, et je lui avais refusé l’asile…

Je remonte vers la place de la Boule par l’avenue Lénine...