23 avril 2006

APPEL A CONTRIBUTION !

Un des personnages, Andy, le compositeur du groupe, a une particularité qui le distingue du reste de l'humanité. Je ne veux pas la dire explicitement : je ne veux pas lui coller une étiquette sur le dos. Je souhaite qu'il en parle lui-même, comme il en parlerait lui-même, c'est-à-dire naturellement, comme une chose acquise et bien connue. Ma question est : est-ce qu'on comprend ?

Accessoirement, il nous présente un portrait peu flatteur de Magnus.

Enfin, je ne suis pas sûr d'être assez clair sur la relation des témoins de jéhovah avec la médecine...




La réalité, c’est que Magnus fumait des joints du matin au soir, couché sur son lit en écoutant les Cure. C’était la honte de la famille et du quartier, sans parler du fait qu’il avait la touche la plus lamentable, des fringues noires délavées et informes, plein d’acné sur la gueule et une coupe d’enfer, plus ou moins rasé au-dessus des oreilles et les cheveux longs dans le cou. Longs, et un peu gras… Il faut préciser que Magnus est roux, mais roux carotte, flash. Quand il sortait, un vieux chapeau Barbour en toile huilée camouflait péniblement tout ça, et son mètre quatre-vingt-dix ne passait pas inaperçu !

Mes parents, ma mère surtout, l’ont plutôt mal vécu. Entre dix-huit et vingt ans, mon frère était réellement camé jusqu’aux oreilles, et le truc pervers c’est que, tout en fermant les yeux, maman finançait cette faillite. Elle lui filait les pièces de 2 livres de ce qu’elle appelait son argent de poche, en fait elle avait commencé à faire des ménages chez les particuliers en plus de son boulot d’usine. Mon père aussi fermait les yeux. C’est là qu’elle a eu sa période Témoins de Jéhovah. La tenue de son intérieur s’en est fortement ressentie… Elle allait trois fois par semaine au Kingdom Hall de Temple Street, la bien nommée. Ces jours-là j’empruntais le même chemin qu’elle, je lui faisais la route, je lui donnais le bras. On discutait un peu. Elle ne pleurait plus depuis qu’elle avait les Témoins, elle était juste complètement évaporée, elle me racontait toutes leurs conneries. Je laissais pisser à peu près tout ce qu’elle disait. Je regardais le prix des amplis d’occasion chez PMT, arrêt obligé sur le parcours. Elle en arrivait à la question de la médecine à laquelle il ne fallait pas recourir. J’aurais sans doute laissé passer ça comme le reste, mais je savais que, d'ici quelques années, elle devrait subir une opération. Un problème d’œsophage mortel sans l’intervention de la chirurgie. Ma mère m’aime beaucoup. J’ai eu gain de cause là-dessus le moment venu, et peu à peu elle s’est éloignée de la secte, en esprit d’abord, avant de s’en extirper complètement, ce qui est un exploit assez rare. Une des rares choses qui aient fait mon admiration en ce bas monde. Mais en ce printemps de 85, elle était vraiment allumée. Arrivés à l’angle triste de Temple Street, elle me disait :

« Dieu a un œil pour toi, tu es bien dans Ses pensées. Tu es appelé à devenir un grand sorcier. Utilise toujours ta magie en Son Honneur. Ne prédis pas les mauvaises nouvelles. Ne touche pas à l’Arbre de l’Égareur. Ne te laisse pas tenter par la magie noire, Satan est puissant et charmeur, Vade retro ! »

Je savais à quoi elle faisait allusion, mais je trouvais qu’elle commençait à débloquer sérieux. Je regrettais le temps où sa relation au surnaturel, comme la mienne, ne s’embarrassait pas de symboles et de bigoterie.

Je la laissais au temple et j’allais quatre maisons plus loin, chez Steve Albarn qui m'avait des entrées gratuites au Zodiac...

© Frédéric Le Roux, 2006