08 janvier 2012

MON PERE A LES CHEVEUX LONGS, COMME MOI…

   
    
    
Cette minuscule photo, de qualité pourrie, a été le déclencheur de l'écriture pour ce livre. Je ne sais plus où je l'ai trouvée. On y voit Dave Gahan après le Devotional Tour de 93-94 qui ruina sa santé, et cette réclusion parmi les chandeliers, c'est dans sa villa de Santa Monica. A laquelle il a fini par mettre le feu…
     
    
Je suis parti sur ses traces - leurs traces - en Angleterre, au printemps 2006. Photo prise dans un miroir à Oxford, que je connaissais bien pour y avoir passé une année, dix ans plus tôt.
    
    
     
Le livre n'a pas remporté un franc succès auprès des éditeurs français (ni étrangers, d'ailleurs, mais bon, je ne l'ai pas non plus traduit…) Amertume. Grosse déprime. Remise en question. Des raisons de maturité personnelle, de technique littéraire, de marché du livre expliquent cette infortune. Il m'a fallu un certain temps pour le reconnaître, l'accepter, le dépasser. Une lettre (il est très rare d'obtenir une telle lettre quand on envoie un manuscrit) explique en partie ce qui n'allait pas…
   

Cependant ce roman existe, il compte pour moi, je l'aime toujours beaucoup. Il est loin d'être illisible, il y a plein de choses bien dedans, et je le tiens à la disposition de ceux qui souhaiteraient le connaître. 
fleroux08@gmail.com

Rock salutations !

   

05 janvier 2012

INSPIRATIONS

    
   
   
Modèle "Zizi" de Repetto  les chaussures de Gainsbourg. Des chaussures créées pour les danseurs, d'une souplesse merveilleuse… J'en ai vu une paire, une fois, posée sur le trottoir devant sa maison, rue de Verneuil. Hommage d'un fan…
    
   
  
   
Owen Pallett. Une espèce de génie… 
Assez peu connu, il joua avec Arcade Fire avant de se lancer tout seul
   

Another dream    
    
     

THE LOVERS

23 décembre 2011

FANS

   






21 décembre 2011

IAN = DAVE GAHAN

      
    
Conscient de son image, de son pouvoir de séduction, et en même temps secret, tellement doux et discret quand il vous recevait chez lui, dans l’intimité… Doutant bien sûr énormément de lui-même comme artiste… C’est peut-être pour toutes ces raisons que sa présence en scène est exceptionnelle. Sa voix, évidemment, c’est le cœur. Mais dès qu’il est en représentation, Ian prend possession de tout, de la musique, du public, de l’espace… C’est le phénomène le plus étonnant, pour moi, la manière dont il s’empare de l’espace autour de lui, dont il le crée. Pas seulement parce qu’il danse, on ne peut pas vraiment dire qu’il danse. Il donne vie à la musique par son corps, la liberté totale de son mouvement. Il y a ce mélange unique de virilité et de féminité, la grâce indiscutable, l’absence totale d’économie… Mais qu’il danse ou qu’il demeure, le temps d’une chanson hypnotique, immobile devant son micro, chacun se trouve pris dans son aura, au point de se sentir physiquement connecté à lui… 
   
  
Derrière lui Andy s’efface, il a l’air seul avec sa guitare, l’air d’un simple accompagnateur. Moi à la batterie, c’est pas difficile, avec mon débardeur sur mes épaules de gorille, je suis le mec sympa, rassurant. Mais Ian, lui, se met en danger chaque soir. Il s’expose, il libère quelque chose, qui touche à l’enfance, à l’animal… Chaque prestation scénique est pour lui un dépassement de soi : une victoire sur lui-même, et une métamorphose. 
  
Une attitude qu’il a toujours gardée, le côté provocateur et accessible de son personnage : les gestes qui, sur scène, démentent une image trop glamour, ou trop facilement sombre. La manière dont il remonte ses parties génitales par exemple, avec le sourire moitié honteux, moitié jubilant du gosse qui franchit la limite, ou de tourner le dos au public pour remuer langoureusement les fesses. Ce sont des clins d’œil qui le rendent tellement attachant pour les gens, parce qu’ils sentent la timidité derrière, les mêmes complexes en lui et en nous. Même si le truc, c’est qu’il a effectivement un très joli cul, et qu’il sait le remuer…
    
      
© Frédéric Le Roux, 2011

20 décembre 2011

COLLECTION



18 décembre 2011

WORLD IN MY EYES

    
Andy (Martin Gore) mixe pour une oeuvre de charité, vers 2005
     
Pour voir la vidéo de World in my Eyes
http://www.youtube.com/watch?v=feSHxy136Dc&ob=av2n

20 mai 2006

ALADDIN SANE

Il nous regarde, Ian et moi, mimant de la main un geste, comme s’il agitait une clochette à hauteur de son épaule… Je reste un peu perplexe, c’est Bowie quand même, on n’a pas grandi dans la même cour. Il ne dit rien, répète son geste.
— David, tout va bien ?
— Spoon…, finit-il par lâcher.
Alors seulement j’avise une tasse fumante posée sur un rebord de fenêtre. Ian lui frotte l’épaule et lui donne la cuiller…

Nous avons cet après-midi une conversation délicieuse, en pyjamas autour de nos tasses de thé et de nos assiettes de céréales. Nous avons mille questions à lui poser, mais tout ce que nous savons dire, c’est…
— As-tu bien dormi ?
— Pas mal, merci, et vous ?
— Oh, on n’a pas dormi, enfin un peu sur le matin… Mais tu n’aurais pas préféré être à l’hôtel ?
— Oh, non, surtout pas ! Vous imaginez ? J’aurais été incapable de dormir à l’idée que Sade occupait la chambre à côté de la mienne !

Son grand rire emplit l’espace…

— L’idée de la croiser dans les couloirs, en déshabillé… Non, vraiment, je n’aurais pas fermé l’œil. Il faut que je remercie Andy, cette maison en plein cœur de Berlin est un petit havre…
— Encore un peu de thé ? Je peux te faire une assiette de saumon fumé et de harengs au curry, ça te dit ?
— Pourquoi pas ?

Je m’attends encore pendant quelques secondes à ce que David s’élève au-dessus de sa chaise dans un halo éblouissant et orangé, et une fois sa tête ayant atteint le plafond, auréolée, zébrée du signe rouge d’Aladdin Sane, à ce que descende sur nous la révélation du Secret de la Musique, émise de sa voix la plus éthérée… Nous l’écouterions agenouillés, la tête entre nos cuisses tels des fidèles mahométans…


Mais la voix de Dave est grave et bien timbrée, tandis qu’il plonge sa cuiller dans le pot de confiture d’airelles. C’est lui qui nous questionne, avec une vraie curiosité. Il veut savoir ce que nous pensons de Nirvana, il veut savoir si nous rentrons dans nos frais… Il nous radiographie, mais il y a dans ses questions une sympathie, un intérêt qui créent immédiatement la confiance, l’amitié…

— Puisque j’ai l’occasion de parler avec vous en tête-à-tête, j’aimerais vérifier à la source un point de légende… Est-il vrai que vous ayez l’habitude de… faire pipi dans les guitares des rockers ? C’est un bruit qui courait il y a quelques années… en tout cas, personne n’a eu à s’en plaindre hier, pas à ma connaissance !
— Oh oh… commence Ian. Oh… ce n’est pas un sujet de fierté…

Pisser dans les guitares… C’était vrai…

© Frédéric Le Roux, 2006


19 mai 2006

MAGNUS ET LES CHIFFRES

Cette idée d’un show unique, le temps d’une nuit, réunissant ce que le monde de la pop comptait de plus brillant, des stars évidemment, très chères, mais aussi des groupes encore mal connus mais qui, selon nous, étaient les plus talentueux de leur génération… En faveur de mouvements de lutte aussi divers que la recherche contre le sida ou l’aide aux déshérités de la réunification ! C’était une vision…


En plein milieu du Tiergarten (pour ceux qui ne connaîtraient pas Berlin, c’est le Central Park de la ville), on a fait construire une scène de vingt mètres sur quinze équipée de soixante projecteurs automatisés. Les 180 kw de la sono réclamaient à eux seuls six groupes électrogènes. Les latrines mobiles, sur cinq points du parc, drainaient 800 m de canalisations d’eau potable et autant d’évacuation des eaux usées. C’est l’équipement moyen d’un festival. On l’a fait installer pour une seule soirée. Durant cette nuit, deux cent cinquante bénévoles ont assuré la production de trois tonnes de frites, 40 000 poulets grillés, 120 000 saucisses de Francfort et autant de sandwiches. Les buvettes étaient alimentées par quatre camions-citernes contenant chacun 50 000 litres de bière. Gros flip à minuit, quand on s’est demandé si ça suffirait… Aujourd’hui, les bénévoles ramassent 800 000 gobelets en plastique. On avait soigneusement évité tous les pièges inhérents aux grandes réunions de plein air, on a été les premiers à interdire le verre… Et quelle distribution magique ! Bowie, Prince, Pink Floyd ! Madonna ! Qui s’est quand même fait payer 80 000 dollars, on a bien failli la remercier, comme on a remercié James Brown qui était encore plus cher, et Ben Harper qui demandait autant que Madonna. Merde, c’était jamais que Ben Harper ! Quant à James Brown, il n’était prêt à se déplacer qu’à condition de disposer de trois suites au Hyatt, six Mercedes break devant être mises à la disposition de sa petite équipe… Marrant quand même. Je crois qu’il kiffait bien cette idée des Mercedes…


Mais on a eu des gens adorables qui sont vraiment venus pour rien. REM est venu pour rien, Joan Baez, royale, les petits jeunes de Portishead, Supergrass, Beck qui a fait le voyage depuis L.A. sur la seule foi de notre nom… Nina Hagen, les Smashing Pumpkins… U2 est venu pour rien ! On a eu Dionne Warwick, absolument touchante et merveilleuse, qui nous a demandé un cachet raisonnable : elle voulait savoir combien prenait Barry White et s’en est tenue là. 8 000 dollars, pour info. Sade a été à peine plus exigeante, et même Björk, alors en pleine explosion, a rogné sur sa marge. Au final, Madonna mise à part, le plus gros poste a été constitué par Prince et Bowie, 50 000 chacun, « forfait » incompressible imposé par leurs maisons de disques. Les deux plus grands génies musicaux de leur temps n’ont pas la moindre liberté à l’égard des studios. Enfin, ça va mieux pour Bowie depuis qu’il a fait Let’s dance… Oh, et Claude Nougaro qui était venu pour une somme dérisoire, terrifié à l’idée que les textes de ses chansons ne soient pas compris !


Bowie a dormi chez nous, c’est-à-dire dans la maison d’Andy où nous campions tous ces derniers jours. Je le revois, les yeux un peu bouffis, malicieux et détendu après son succès d’hier, entre les ficus de la cuisine…

À suivre…

© Frédéric Le Roux, 2006

17 mai 2006

A DAY IN OXFORD (2)

Et maintenant samedi soir. Leur manière de se lâcher, étudiants + touristes… brutale, grossière, comme ailleurs, plus qu'ailleurs. Seule manière de faire pour moi, prendre le contrepied. Ou dormir très tôt et très longtemps, ou aller jusqu’au Zodiac à Cowley, pour entrer de nouveau dans mon roman. Je ne sais plus si j'ai parlé de Cowley ici, commune très modeste à la bordure d'Oxford. C'est là que je situe l'adolescence d'Andy et Magnus. Un rond-point, un bouquet d'arbres beau et poignant sorti d'un album d'aquarelles victoriennes, et on change de monde.


Pourquoi ce blog ? Pour partager l’impartageable… Pour rendre aux autres une partie de ce plaisir énorme que je prends…

Samedi soir. On met son tee-shirt préféré, sa jupe la plus sexy… Passé une heure du matin, on voit toutes sortes de choses par terre, de petits filtres blancs pour cigarettes à rouler dans leur étui de plastique, une brosse à cheveux… Take On Me, je danse, Cemetry Gates, je danse. Heureusement Magnus refuse de programmer Ghostbusters et Eye Of The Tiger, comme ils font dans les autres soirées eighties. Mais il cède Girls Just Want To Have Fun… Ces soirées revival, il les a créées pour sa fille dont je dessine le portrait mentalement, mémorisant son naturel, sa sensualité, son rythme, sa coiffure, la forme de ses chaussures... Je l'invente en même temps que je la regarde... Je suis en train d'apprendre un métier, je n'en prendrai pleinement conscience qu'à Rome. Romancier... Cependant le froid des murs, dans cette salle de concerts-boîte mythique, si intéressante ce soir parce que ne sont venus que les gosses du quartier, l'humidité qui environne leur défoulement un peu malade…


Rencontre de Dave, bassiste, qui a enregistré pour Six Toes, un groupe dans le style de Jeff Buckley. Gars magique, vingt-quatre ans peut-être, la gueule et l'intelligence de Gainsbourg, la carrure du yéti, trois rangs de piercings entre le nez et le front, doux, pauvre, supérieur. Son amie travaille en extra au bar. D'habitude ils sont à Londres ou à Cambridge, où la scène musicale est beaucoup plus riche aujourd'hui me dit-il. Parce que je suis français sans doute, il a besoin de me raconter le 11 septembre vécu par eux à Paris, quartier Bastille, et j’y suis avec lui, comme un nuage de plomb sur le monde.

Retour à quatre heures du matin, qui me vaudra une fatigue terrible, de l’asthme, à cause d'eux, parce que j'ai bu et ne dors pas, une transition catastrophique à l’aéroport demain…

A DAY IN OXFORD (1)


Une journée qui sera ups and downs, comme hier. A neuf heures, sur Broad Street, de petits coins bleus s’ouvrent entre les moutons du ciel au-dessus de Balliol College. Vivacité, enchaînement, force des impressions du matin…

Hier soir, les quatres jeunes tranquilles, dans un des escaliers de Wellington Sq. en bas de ma chambre, avec leur pack de Rolling Rock. Quand je repasse, une heure plus tard, ils sont partis, il y a quelques places humides sur les marches, et une petite constellation de capsules. Mais ils ont soigneusement rangé les canettes dans un renfoncement, ils ont pensé au danger du verre… Au même moment, il doit être alors dix, onze heures, deux autres gosses s’accroupissent sur le trottoir, côté square, pour rouler une cigarette. Ils se font face et ont vraiment l’air de deux gamins de l’école primaire. Contraste de leur allure – de leur attitude, de leur réalité ? – avec leurs voix énormes, mâles, terriblement accentuées par l’anglais et leur affectation, mais une affectation si réussie qu’elle paraît naturelle : après tout, c’est la voix qu’ils auront réellement demain et pour quelques années, avant que la maturité l’adoucisse…

Ce matin, au King’s, j’ai pris une veste avec un gars à qui j’ai demandé de le photographier – « no photos » m’a répondu, sans un regard, la star du King… « Sorry for interruption » glissé-je, et je retourne à mon Fish & Chips. Gâche un tout petit peu, mais surtout c’est un jour de touristes aujourd'hui. Pas la magie de jeudi soir. Je savais bien pourquoi je voulais arriver un jeudi soir, pensant le truc peut-être compromis quand j’ai appris que c’était le début de l’interterm. Mais ils étaient bien là comme je l’espérais, et juste assez nombreux, ceux qui n’étaient pas rentrés pour les vacances… Aujourd'hui je fais le touriste moi aussi, plein de photos, tant mieux, il y a trois-quatre heures de vrai beau soleil cet aprème. Stéphanie au tel au très bon moment, je venais juste d'allumer mon iPod, j’étais sur Halo. C’est son anniversaire. Et Anna qui me fout un peu mon moment en l’air au Lamb & Flag, ma faute aussi, j’ai pas géré, j’ai encore ouvert… Des fois, c’est rare maintenant, j’ouvre au mauvais moment, ou trop longtemps… Mais lovely, Anna ! Touchante ! Non, je ne regrette pas…

Une seconde… cinq autres secondes… ce soir… j’ai envie d’être chez moi, avec mon chien et Titi ! Très fort… J’aimerais pouvoir échanger une caresse, un mot, avant de traverser la ville froide, plus longue cette fois, pour aller à Cowley qui est quand même loin de l’université…

15 mai 2006

PERFECTION


Avant de travailler sur mon petit roman, je vais écrire une page de génie ? Une page pure… Pourquoi pas ? C’est une bonne manière de se mettre en jambes. Je me suis installé en cinq minutes dans la dépendance, pendant que Dominique fait ce que je fais normalement le matin : la salle de bains, l’aspirateur, le Carolin… Elle fait cela, et me permet de faire ceci. Un peu frais encore, 13° peut-être, je monte les petits radiateurs à 4, il faut se méfier du froid quand on écrit car on reste immobile, mais un soleil radieux. En passant dans la petite salle d’eau pour me laver les mains, j’ai le souvenir vivant de tels moments de grâce, fréquents, il y a une dizaine d’années, avant la fin de la jeunesse. C’était normal, c’était ce qui dominait. C’est un sentiment de perfection, d’accord tel que, presque, il me paralyse…

À vingt ans j’étais averti de la précarité de la grâce dans la vie, mais je n’en avais pas une vraie conscience : je me rendais très attentif à ces moments, mais je ne redoutais pas de les quitter, je ne craignais pas de les perdre… Aujourd’hui non plus, mais d’une autre manière. La différence est peut-être désormais d’en connaître le prix. Parce que c’est quelque chose qui avait été perdu, et qui a été reconquis…

La compréhension de notre existence, la représentation que nous avons de notre vie ne se fait pas toujours sur le même mode. Elle prend des visages très divers, généralement successifs, rarement simultanés. Tu as eu beaucoup de bonheur, et de bonheurs, dans ton passé, et tu continues d’en avoir même s’ils te semblent plus intermittents, parce que tu n’as pas conscience de certains bonheurs et que les autres, plus ou moins sensibles, sont aussi plus espacés. Toute ta vie métaphysique forme dans ta mémoire un temple caché, un sanctuaire, un pays que tu peux appeler ton cœur, dont prendre conscience à un moment quelconque de ta journée pénible ou banale te donne un vertige : entre ta vie métaphysique et le sentiment ordinaire de ton existence, l’écart semble incommensurable. L’une n’est pourtant que l’expression de l’autre…

14 mai 2006

NADÈGE


— Tu rêves ?
— Ian ? Ne me dis pas que tu es déjà debout ?
— Penses-tu, on rentre.
— Tu veux du café ?
— … et toi, qu’est-ce que tu fais debout, à sept heures du matin ?
— Je… je prépare la journée, je suppose !
— Nadège, toujours à anticiper, à prévenir pour les autres ! Je veux bien un café.
     
L’excitation, la fatigue de la nuit ont tracé deux cercles beiges autour de ses yeux, accusé l’angle des pommettes. Sa peau est très pâle, plus blanche encore que lorsque j’en tombai amoureuse. Je n’ai plus aimé aucun visage pâle après Ian. Peut-être par fidélité à cet amour-là, peut-être parce qu’il y a quelque chose d’adolescent, de trop vert dans ces visages comme préservés de la vie. L’idée d’aimer une peau blanche aujourd’hui… me fait l’effet d’un désir presque incestueux. Il y a encore un an, à Berlin, Ian arborait son masque de punk mode : les cheveux rasés, le bouc, pratiquant assidûment la muscu et les U.V., c’était le clone de Pascal Obispo. « Mon » Ian s’était si bien éclipsé que c’est une surprise de le revoir aujourd’hui, blanc, imberbe, ayant laissé repousser ses cheveux, fidèle au lycéen de 85, jusqu’à la joue bleue du petit matin. Le surmenage, les abus n’ont fait qu’aiguiser ses traits les plus fins…

— Ian, tu as quelqu’un, en ce moment ?
— Non, oui… non, enfin… Toi ?
— Oh ! non…
— Tu ne vois plus jamais Dimitri ?
— Non. Tu sais, Dimitri doit avoir soixante-huit ans aujourd’hui.
— Tu l’aimais, ce gars.
— Oui… Il me plaisait, physiquement. J’aimais son odeur. Il avait une odeur très pure, et pourtant il picolait. Une odeur sucrée, douce… J’aimais bien nos moments ensemble, c’était sans lourdeur. Mais tu sais, il était grec, et marié…
— C’était un type gentil. Marrant aussi. C’est bien que tu l’aies eu. Sans lui tu aurais trouvé le temps long, dans ton île !
— Je ne me suis jamais ennuyée à Hydra. Et ça ne dépendait pas de Dimitri, de personne en fait.
— Oui, enfin… Une île grecque, même si c’est très beau on en a vite fait le tour. Je ne sais pas comment tu as fait pour y rester… cinq ans, c’est ça ? Et tu n’avais jamais envie de remonter ?
— Non. Je remontais quand j’étais obligée. Et puis l’été, à Noël… Mais qu’est-ce que tu imagines ? Que je regardais la mer avec l’idée de m’y noyer ? Bien sûr il n’y a rien à Hydra. Il n’y a rien si tu veux qu’il n’y ait rien… Moi j’avais tout. J’avais Pete. La mer était à nous, la lumière, à nous. Tout…

Il hoche la tête en signe d’approbation, boit son café à petites gorgées, allume une cigarette. Nous emportons notre tasse sur la terrasse où le soleil se lève.

— Mais… tu travaillais à l’époque ? Tu écrivais ?
— Bien sûr, enfin. J’ai écrit mon livre sur Leonard Cohen, tu sais bien.
— …
— Leonard Cohen, l’écrivain… le chanteur !
— Oui oui, je sais… Je me souviens. C’est pour ça que tu étais partie au départ, pour le rencontrer…
— Enfin Ian, atterris ! Non, il ne vivait plus là depuis au moins vingt ans. Mais l’idée, c’était de retrouver les lieux, le cadre de son inspiration… Philippe m’avait fait lire son livre, Beautiful Losers. Il m’avait raconté son histoire avec sa femme, Marianne, et leur petit garçon. Leur vie incroyable, si libre et en même temps, si réglée… Ils économisaient l’eau, ils connaissaient chaque goutte d’eau… Tu m’écoutes ?
— Bien sûr, je t’écoute. Mais quand je suis venu, tu n’écrivais plus sur Cohen, tu travaillais sur ton roman.
— Oui, le premier. Au début, je devais rester trois mois, et puis l’article sur Cohen est devenu un livre, et puis…
— Je me rappelle très bien. Tu te levais tôt déjà, tu t’occupais de la maison, tu faisais la classe à Peter avant le déjeuner… Tu te mettais sur ton ordinateur à l’heure de sa sieste, tu tapais pendant deux heures, trois heures, sans bouger, c’était fascinant. Je n’ai jamais vu une telle facilité. Et tout ça en silence, comme une vraie abeille… Qu’est-ce que je faisais pendant ce temps-là ?
— Tu dormais, je crois ! Tu faisais la sieste avec Pete. Tu nageais aussi, beaucoup. Tu trouvais ça génial qu’il n’y ait pas de plage, pouvoir te baigner tout seul…
— Oui, c’est vrai…
— Tu étais tombé amoureux des rochers, tu disais qu’ils étaient la vérité.
— Non ? Ça, j’avais bien oublié !
— Sur le soir on montait au village…
— Oui, à pied… Ils n’autorisent toujours pas les voitures ?
— Je ne crois pas, non.
— C’était très beau, c’est vrai. Très pacifique. Je n’ai retrouvé ça nulle part.
— Tu ne buvais plus. Sauf l’ouzo de l’apéritif, mais ça… ce n’est pas boire…
— On a bien failli se remettre ensemble…
— On a failli…

Son regard parcourt l’horizon. Je l’accompagne. Par-delà la piscine, ouvert entre les hauts pins parasols, un profond espace s’étend. Une couleur de terre très claire semée de taches vert amande. Des champs, des fermes, des vignes… Cet espace ne prend pas vraiment fin : au loin les échancrures roses de l’Estérel s’étagent et fondent dans un voile blanc…

— Tu aimes ce pays, ici, je veux dire, ça doit te plaire, la nature, la lumière…
— Oui…
— Tu n’as plus besoin de vivre à Paris ?
— Pete… Le collège… Le journal…
— Oh, ton journal, tu donnes deux articles par mois ! Il y a Internet pour ça maintenant. Il y a des collèges dans le coin. Regarde Pete, lui aussi se plaît. Le soleil lui va bien, comme à tous les gosses. Comme à tout le monde… Tu as vu qu’il ose le short à présent ?
— Oui ! C’est énorme ! La dernière fois que je l’ai vu en short, c’était… il y a trois ans peut-être… c’était encore un petit garçon. Et regarde, il est déjà aussi grand que toi, non ?
— Pratiquement, j’ai l’impression.
— Il t’aime, tu sais. Il met tes chemises dans ton dos...
— Oh… il m’aime, et il me déteste, c’est normal.
— Oui… Qu’est-ce que tu voulais dire, avec ton histoire de collège dans le coin ?
— Oh, c’est juste… Quelque chose me dit qu’il ne va pas se passer longtemps avant que vous vous installiez par ici…




© Frédéric Le Roux, 2006

13 mai 2006

TU MARCHERAS JUSQU'À CE QU'ON TE DISE D'ARRETER !

– Ce que tu nous a fait cette semaine, c'est très très mauvais. Tu en es conscient ?
– J'avais une angine.
– Que tu soignes en sortant jusqu'à quatre heures du matin...
– Tu peux parler, tu passes tes nuits au Fritz à te faire enculer ! Tu es venu deux heures au studio !
– C'est pas moi le chanteur, je n'ai pas besoin d'être au studio. Moi j'ai fait ma part. Quoi ? Elles sont pas claires mes partitions ? Vous avez toutes les indications qu'il vous faut. Et puis tu chantes moins bien quand je suis là, ma présence te perturbe... Bon, quoi qu'il en soit ce que vous avez fait, c'est de la merde en barre, il faut tout recommencer. C'est vrai que tu es salement enrhumé, tu veux un mouchoir ?
– Ouais... Il est nul ce paquet de mouchoirs.
– Mais non, tu t'y prends mal. Regarde, ça fait une petite valisette, tu l'ouvres par le côté... voilà, délicat...
– T’écouter, te répondre… j’ai l’impression d’être chez le dentiste, c’est atroce ! Je suis la dent et tu es la roulette ! C’est un calvaire… un calvaire de bosser avec toi…
– OK, ça suffit. Plus un mot.
– Quoi, plus un mot ? Quoi, plus un mot ?
– Ça suffit je te dis. Va faire un tour. Va te bourrer avec tes copains, ta copine. Fais ce que tu veux… On arrête. On arrête pour deux jours.
– Et… Et tu crois que ça va changer quelque chose ?
– On a un disque à finir. Il y a beaucoup d’argent en jeu. Il y a nos familles, il y a le studio, il y a des tas de gens qui comptent sur nous. On fait une pause, on se calme, on reprend ses esprits. Et on remet ça.
– Et on remet ça ? Mais tu rêves ! Si je me casse, c’est fini, tu ne me revois pas ! Une pause, mais c’est quoi cette charité à deux balles ? Tu peux te la garder ta pause à la con, je ne marche pas !
– Tu marcheras jusqu’à ce qu’on te dise d’arrêter.
– C’est mon dernier album ! Mon dernier album avec toi !
– Oui, peut-être. Peut-être bien. Le dernier album…


© Frédéric Le Roux, 2006

12 mai 2006

IAN A LA LARYNGITE !

Vraie ou fausse excuse ? Iront-ils jusqu'au bout ?


Le mot laryngite est rigolo comme peut l'être, dans un certain contexte, le mot méningite normalement terrible. Pour ceux qui ont manqué les précédents épisodes, Ian est mon héros de fiction et Dave Gahan son modèle. Entre la fiction et la réalité, il se produit toujours des coïncidences, comme ici, une petite coïncidence de mots... Un de mes personnages est hypocondriaque : à sa première gueule de bois, il déboule le matin dans la cuisine en criant "J'ai la méningite ! J'ai la méningite !"

Le comble, c'est que bien sûr Ian/Dave soit vraiment victime d'une laryngite, et non d'une intoxication de speed ou d'alcool comme ç'aurait été le cas il y a dix ans. Le marathon Touring the Angel a commencé le 28 octobre, déjà 87 concerts. Et il va de soi qu'ils iront jusqu'au bout : Tel Aviv, le 3 août...

MARCELLO



En ce moment, je n'écris que de la merde. D'ailleurs je m'abstiens. C'est souvent comme ça quand on est très proche de son sujet, et trop investi par l'émotion qu'il contient. L'expression est alors bouleversante, l'écriture est faussée, comme le jeu d'un acteur pris par le trac. Il faut prendre du recul, faire autre chose, travailler au jardin... J'en connais au moins un que cette sécheresse reposera. Et puis, quelqu'un m'a demandé des photos... Ce ne sont pas vraiment des photos...